Nos différends sur l’éducation ne facilitent pas la vie de nos enfants !

L’importance c’est la cohérence éducative, chaque parent a des valeurs personnelles sur l’éducation. C’est important que ces valeurs soient partagées dans un couple et qu’elles s’expriment à chaque étape de la vie des enfants. C’est ce qui fonde le socle commun de l’éducation, c’est le postulat pour que la famille fonctionne sereinement. Dans les situations de crise et en particulier la séparation, les enfants peuvent profiter des situations différentes, mais chaque parent doit énoncer et assumer ses choix. L’enfant a d’énormes capacités d’adaptation.

Entretien avec Marie-Line Dejardin

Éducatrice de prévention à la Direction de l’Insertion et de l’Accompagnement Social (D.I.A.S) au Conseil départemental de Vendée

- Est-ce que les enfants profitent des désaccords des parents sur l’éducation ?
« Quand j’entends cette question : « les enfants profitent de nos désaccords », je me dis: « mince, dit comme ça, on perd la main! ».  Ça voudrait dire que ce sont les enfants qui portent cette responsabilité de profiter des désaccords...En un petit tour de magie littéraire, je vous propose de « retourner la phrase » et de changer d’histoire... Plutôt que de penser que les enfants sont des petits êtres qui se réjouissent des failles parentales pour en « profiter », je vous propose l’histoire de parents dont les journées et les têtes sont remplies, qui ont mille et une choses à gérer et ont pourtant fait le merveilleux choix de fonder une famille, d’avoir une vie pleine de magie d’enfants ! Eh oui, ce sont nous, parents, qui nous mettons dans cette situation. Les enfants ne sont donc pas les premiers acteurs de ce sujet. C’est une bonne nouvelle ! Cela signifie que le changement possible viendra des parents. 

Dans cette histoire de parents, il y a de la diversité, des désaccords, des bons moments, des larmes, des sourires, des disputes, des réconciliations, des bonnes idées et des moins bonnes…des moments pour souffler et d’autres moments à fond ! Des conseils dont on ne veut pas, des idées brillantes qui ne marchent pas, des trucs et astuces qui font ressembler l’éducation à un livre de cuisine…Des petites réussites, des grandes victoires et parfois l’impression que rien ne va plus. Bienvenu dans le monde de la parentalité ! 

 Alors pas étonnant qu’on s’y perde parfois comme dans un labyrinthe, en ayant cette impression : « on n’est pas déjà passé par là ? » 

- Que conseillez -vous aux parents en désaccord sur l’éducation de leurs enfants ?
« Des désaccords entre deux adultes en matière d’éducation, il y aurait de quoi en écrire des pages et des pages ! Vous l’avez sûrement constaté en discutant avec d’autres parents, en surfant sur le net à la recherche d’une info capitale qui viendrait à votre rescousse ! Vous avez sûrement déjà lu les quelques grandes idées concernant ce sujet. Parce que l’éducation, c’est aussi savoir se répéter, je vous repartage donc ces grands classiques : 

  • Se parler et s’écouter :
    Deux parents qui doivent décider de l’éducation d’un enfant, ce sont deux mondes de valeurs, d’expériences, de croyances, de désirs qui se rencontrent. Alors plutôt que de s’affronter tels deux peuples qui voudraient envahir le pays de l’autre, commencer par un dialogue qui laisse la place à chacun de s’exprimer et dire ce qui compte pour lui est un bon début. Donc, une des portes d’entrées pour gérer les désaccords : c’est le dialogue. Se parler jusqu’à trouver une charte commune qui soit respectueuse du monde de l’autre et dans l’intérêt de l’enfant. Et si cela doit se faire sous le regard de votre enfant, quel bel exemple de paix pour lui que de voir  deux adultes qui pensent différemment et parviennent à trouver des réponses communes qui ont du sens. Vous allez former ainsi de futurs diplomates ! 
  • Se parler et s’écouter…en dehors des petites oreilles des enfants :
    Quand on le peut, ne pas débattre des désaccords parentaux en présence des enfants est plus protecteur pour eux. Ainsi, ils ne portent pas le poids d’une éventuelle dispute qui peut survenir. De plus, c’est une vraie force de parents que d’apparaître cohérent face aux petits chérubins ! Eh oui, les enfants n’ont pas besoin de tout savoir non plus !  D’autant qu’ils vous connaissent mieux que vous ne le croyez ! 
  • Se parler et s’écouter…en dehors des petites oreilles des enfants…pour FAIRE EQUIPE !
    On l’a dit en tout début, la vie de parents est une vie bien remplie qui s’inscrit dans la vie de couple, la vie professionnelle, la vie sociale…Pour pouvoir se sentir bien au milieu de tout ça, faire équipe est une force vive à ne pas négliger ! Vous voyez comment, dans les fratries, les enfants peuvent devenir d’une solidarité sans faille pour se protéger ou faire valoir une demande…! Eh bien je vous fais une confidence…Si vous leur piquez un peu de cette solidarité pour faire équipe, vous allez gagner en force, en énergie et vous éviter des situations de tension. Qu’on soit parents sous le même toit ou qu’on ait décidé de quitter sa vie de couple, reste toujours la question de la coparentalité. Les enfants sont le trait d’union entre les parents. Et si un des parents n’est pas ou plus du tout dans la vie de l’enfant, il n’est pas rare qu’un autre adulte soit présent et occupe cette place parentale. Alors faites équipe avec le joueur qui est là et qui assume, ça marche aussi ! 

Dans une équipe, pour continuer la métaphore sportive, chacun a un rôle. Ce rôle peut évoluer en fonction des besoins de l’équipe, des objectifs poursuivis, de la santé des joueurs… Tous les joueurs d’une équipe n’ont pas la même vision du jeu. Par contre, pour que l’équipe fonctionne, ils doivent avoir une intention commune et être prêts parfois, à assouplir certaines de leur position.

Quand on est parents, c’est pareil ! Si l’un de nous est plus fatigué, l’autre peut prendre le relai. Si l’un est plus à l’aise à gérer une situation, l’autre peut lui laisser la main. Si une décision est prise sans que l’autre ne soit concerté, voir en accord avec la décision, un « « temps-mort » pour en parler peut-être une bonne alternative avant de revenir ensuite sur le « terrain » avec la force du dialogue et une « stratégie » commune ».

- Est-ce que c’est grave s’il y a désaccord entre les parents ?
« Les désaccords font partie de la vie. Il y a peu de chance que deux cailloux soient en désaccords non ?  Ce n’est pas parce qu’on est en désaccords qu’on est l’un contre l’autre. On est plutôt l’un à côté de l’autre et on ne voit pas les mêmes choses. On ne met pas les priorités aux mêmes endroits. Ce n’est pas forcément que l’un a raison et l’autre tort, ce sont juste deux visions différentes du monde. Et c’est ce que les enfants vont découvrir toute leur vie : des visions différentes du monde. Alors c’est plutôt une bonne nouvelle pour eux que vous soyez les premiers à leur montrer comment ça marche ! Et comment on peut faire avec ça ? Dans ces rôles de parents qui font équipe, vous êtes un peu leurs coachs ! Alors bien sûr, vous êtes là pour les guider et ce sera plus facile de le faire si vous avez des directions communes. Les valeurs partagées sont des directions communes. Les façons de les appliquer dans le quotidien peuvent différer. Le p’tit truc en plus quand les conflits ou les désaccords s’invitent dans les relations…l’humour ! Faire preuve d’humour quand on est dans une situation complexe peut permettre de désamorcer les tensions ».

- Et si on prenait des exemples dans la vie réelle 

  • Linoa, 11 ans et demi voudrait aller chez une copine en vélo. Pour cela, elle doit traverser le village où elle habite. Dans la vision du monde de son père, l’autonomie est une valeur importante, savoir se débrouiller, faire ses expériences, prendre confiance. Alors pour lui, après les rappels de sécurité, c’est ok pour cette sortie en vélo. Dans le monde de sa mère, la sécurité est une valeur importante. Ce trajet en vélo, bien qu’elle fasse confiance à sa fille est une prise de risque qu’elle n’est pas sûre de vouloir lui faire tenter. Linoa connait bien le monde de ses deux parents. Elle sait qui dira plus facilement oui ! La maligne ! Après discussion entre ses parents, elle obtient l’accord pour la sortie. Youpi, la liberté !  Est-ce que sa mère a changé de vision du monde en une fois ? Non, ce qui a permis ce « oui », ce sont les échanges, le fait d’avoir été écoutée et le fait de faire confiance en l’avis de son conjoint. 
  • Nohan a 14 ans. Il est invité pour le jour de l’an chez un copain. Il a demandé à un de ses parents qui a dit « oui » instantanément. Quand il en reparle à son autre parent, c’est un « non » catégorique. Nohan s’énerve de cette réponse et dit qu’il ira quand même puisqu’on lui a dit oui en premier. Les deux parents se concertent et expliquent chacun leur point de vue. Celui qui a dit « oui » indique qu’il le pense suffisamment grand pour se montrer responsable, qu’il a confiance en lui, que c’est une occasion spéciale et que c’est adapté à son âge. Le parent qui a dit non explique qu’il ne connaît pas les parents du jeune chez qui il est invité, qu’il est inquiet qu’il y ait de l’alcool et qu’il n’aime pas les nouvelles fréquentations de son fils. Après avoir pris le temps de s’écouter, d’avoir nommé ce qui comptait pour chacun, une nouvelle décision commune est prise. Pour que la sortie soit possible, le déplacement sera assuré par un des parents, il faudra qu’il y ait contact avant avec la famille du jeune qui invite et l’horaire de fin est fixée à 2h00 du matin. C’est une décision qui fait ainsi sens pour l’équipe de parents. 

- Donc il faut rassurer les parents ? 
« Être parent , c’est être multi-tâches en de circonstances multiples et en évolution permanente. Honorons toutes les bonnes décisions que vous avez prises, les petites et grandes victoires, les moments de bonheur et de partage, les souvenirs pleins de joie, les sourires, les bisous…Félicitez-vous d’avoir su tenir parfois, lâcher d’autres fois, demander conseil, fait comme vous le sentiez, de parfois vous être reposés sur quelqu’un, avoir bataillé pour des chaussettes qui trainent à d’autres moments…
Et continuons d’essayer du mieux possible à être les parents que nous avons envie d’être, dans le respect des besoins des enfants qui nous prennent en exemple ». 

Des aides possibles en Vendée :

  • Le Conseil départemental propose des professionnels à votre écoute : les puéricultrices de la PMI, des éducateurs lors de permanences éducatives à proximité de chez vous. Tous les contacts en Vendée sur les Maisons des solidarités et de la famille.
  • La médiation familiale  propose aux membres de la famille qui vivent une situation de tensions, de se rencontrer en présence d’un tiers qualifié, neutre et impartial pour rétablir un dialogue et rechercher des solutions concrètes. Pour les parents séparés, elle permet de construire ensemble les modalités d’organisation de la vie des enfants et donc de pouvoir échanger notamment sur l’éducation.
    La médiation familiale : plaquette des structures dans le département.
  • L’association Écoute Parents propose des ateliers de coparentalité. 
  • Les travailleurs sociaux de la Caf vous écoutent, vous informent et vous accompagnent sur vos droits et les dispositifs d’aide.

Ressources complémentaires

Site : 
naitreetgrandir Dans une famille, les parents ne sont pas toujours d’accord sur l’éducation de leur enfant. Ils peuvent avoir un objectif commun tout en ayant une vision différente de comment y arriver. Comment faire pour conserver l’harmonie?
Investissez en vous

Livres :
Conflits et disputes : en parler avec les livres | valdemarne.fr
Un p’tit pourquoi sur ce que c’est d’être parent  Les parents - cartonné - Agnès Cathala, Ninie - Achat Livre ou ebook | fnac

Podcast :
Quels parents sommes nous ? L’éducation positive en question - série en 4 épisodes de France Inter - Décembre 2023

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